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La nécessité de répétition
13.03.16 > 03.07.16

Benjamin Monti. La nécessité de répétition

Cabinet d’amateurs #10

 

C’est la nécessité de dessiner, et de répéter – comme une leçon, un poème, une punition –  l’image, qui est le moteur de la démarche faussement naïve et scolaire de Benjamin Monti. Pour cette exposition au Musée, dixième du cycle de nos Cabinets d’amateurs réservé à des œuvres intimistes, l’artiste a désiré présenter, comme indice révélateur de son obsession du dessin, trois portraits à peu près identiques de sa « mémé » qu’il réalisa vers l’âge de 7 ans ; mais trois dessins d’enfants qui s’avèrent troublants dès lors que l’on apprend qu’ils datent du jour même où cette grand-mère, visiblement aimée, mourut, disparaissant ainsi de sa vue pour toujours.


Est-ce pour montrer que, depuis, il n’a cessé de remplir ce devoir : être le sismographe de son existence, celui qui graphiquement en traduira les secousses ? Pourtant son œuvre n’est, en apparence, le symptôme d’aucun trauma profond. Son trait n’est pas expressionniste et relève de la ligne claire, posée sur du papier millimétré ou des pages d’anciens cahiers d’écoliers où figurent déjà des notes et des dessins tout aussi propres et appliqués. De même, ses figures ne sont pas personnelles, au sens où elles ne sont pas produites directement par son imagination, mais extraites de l’imaginaire ready-made d’encyclopédies désuètes, de contes pour enfants ou de manuels d’apprentissage ; soit des images d’Épinal et des modèles stéréotypés qu’il s’applique calmement à recopier et surtout, à détourner avec malice. Mais que personne ne s’y trompe.


L’œuvre de Benjamin Monti, sage à première vue, procède d’un détournement du bon sens et de la bonne conduite, proche du surréalisme : on songe aux romans-collages de Max Ernst, comme La Femme 100 têtes (1929) ou Une semaine de bonté (1933). À bien les regarder, c’est d’ailleurs ce même parfum de délicate perversité qui s’en dégage ; fruit de l’union entre innocence et criminalité, jeu et cruauté, plaisir et souffrance. Ce qui nous autoriserait pourquoi pas à les regarder comme des « machines désirantes ».

 

Commissaire d'exposition : Denis Gielen